POESIE DI PATRICIA GUENOT
VOYOUS EN VIRÉE
Dans une auto chourée sur un parking immense,
Les voyous avinés, drivés par un flambeur,
Sillonnent la cité dont les balcons en fleurs
Attisent leur désir de coupable violence.
Sous le ciel assombri, les crapules se lancent
À l’assaut d’un appart constellé de splendeurs
Qu’ils embarquent sous l’œil flamboyant de fureur
Du vigile surpris dans son incompétence.
Au coin d’un boulevard, la tire des casseurs
Emboutit un taxi dont surgit le chauffeur
Qui brandit un pétard en réclamant vengeance.
Quand se pointe un tandem de poulets fureteurs,
Les truands amateurs caltent de toute urgence,
Loin de l’accidenté dont les ennuis commencent.
PLUME DÉLIVRÉE
À force d'exprimer en phrases monotones
Un déluge incessant de chagrins sibyllins,
Germés dans le cerveau d'un écrivain enclin
À la mélancolie, sa plume déraisonne.
Au hasard d'un quatrain, la rebelle abandonne
L'auteur dont la noirceur annonce le déclin,
Pour écrire en solo un poème câlin
Dont la beauté éteint les peurs qui l'emprisonnent.
Dans le bureau glacé, encombré de vélins,
La belle se répand en sonnets cristallins,
Sous le regard jaloux de ses consœurs bougonnes.
Le poète, irrité par ses déliés malins,
Évince de ses vers la géniale amazone,
Avant de s'abîmer dans un ennui aphone.
Patricia Guenot
CURÉ DÉSABUSÉ
Sitôt qu'il vit le Christ dans son adolescence
De campagnard rebelle aux frivoles plaisirs,
Il quitta sa famille afin de devenir
Le modeste curé d'un village de France.
Exalté par sa foi, il prenait la défense
De ceux que le malheur s'acharnait à meurtrir,
Tandis qu'il s'employait à peindre un avenir
Où la fraternité éteindrait la souffrance.
Quand le poids des années se mit à l'affaiblir,
Le prêtre courageux s'obstina à servir
Le Seigneur dont l'amour guidait son existence.
L'évêque, ce matin, l'a sommé de partir,
Si bien que, démuni dans la nuit qui s'avance,
Il prie Dieu d'ordonner sa proche délivrance.
SÉMILLANTS COCKTAILS
Armée de mes flacons aux vigoureux nectars,
Depuis le vin nouveau jusqu'au whisky hors d'âge,
Je vogue sur les flots des liquides mirages
Qui noient les spectres noirs de mes froids cauchemars.
Guidée par les humeurs du facétieux hasard,
J'invente sans répit de mystérieux breuvages
Dont les couleurs mêlées composent des images
Que l'ivresse transforme en nappes de brouillard.
Les sémillants cocktails qui brillent dans mon verre
Éteignent les sanglots de mon cœur solitaire
Avant de me plonger dans des rêves soyeux.
L'arc-en-ciel velouté de mon jardin limpide
Compose des bouquets dont le parfum radieux
Efface les relents de mon chagrin morbide.
INNOCENT PÂRIS
Seul avec son troupeau, le tendre Pâris pense
À sa nymphe adorée, la superbe Œnoné,
Quand paraît brusquement sous son œil étonné
Hermès venu régler un conflit d’importance.
Le messager de Zeus, qu’amuse l’innocence
Du modeste berger, l’invite à décerner
Le prix de la beauté, un concours couronné
Par une pomme d’or, symbole d’élégance.
Trois charmeuses splendeurs défilent sous le nez
Du jeune homme fringant, inapte à dominer
Le désir insolent qui trouble sa conscience.
Lorsque Vénus promet au naïf passionné
Un avenir pétri d’amour en abondance,
Il lui lance en retour le fruit de l’excellence.
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CIGARETTE OUBLIÉE
Solitaire oubliée dans un paquet froissé
Au fond d'un sac à dos depuis belle lurette,
Condamnée à l'ennui, la frêle cigarette
Se lamente âprement sur son corps cabossé.
Survivante flétrie d'un achat détaxé,
Elle attend que le feu d'une aimable allumette
L'embrase pour qu'enfin ses volutes discrètes
Redonnent au tabac son prestige passé.
Insensible au mépris de venimeux ascètes,
Elle aspire ardemment à couvrir la planète
De ses spirales bleues à l'arôme racé.
Voyant qu'aucune main n'explore sa cachette,
L'exilée se dessèche, avant de s'enfoncer
Dans le gouffre brumeux des plaisirs délaissés.
MORT D'UN BAVARD
J'assassinerai le bavard
Dont les effroyables sottises
Devant les jurés des assises
M'ont valu quinze ans de placard.
Je lacérerai au poignard
Sa trombine qui me défrise,
Avant que ce con ne s'avise
D'alerter les autres taulards.
Puis je me ferai la valise
Loin des flics à la mine grise,
Armés de venimeux pétards.
Mue par une euphorie exquise,
Je m'élancerai au hasard
Dans un monde exempt de mitards.
ABÉCÉDAIRE AMOUREUX
Dans mon abécédaire amoureux, résident :
Une amazone aux envies polissonnes
Un baiser fleuri de gestes osés
Une caresse esquissée en vitesse
Un divan aux souvenirs émouvants
Un encens empreint d'espoir indécent
Un frisson à l'abri d'épais buissons
Une guitare hostile à la bagarre
Un hôtel témoin d'un aveu cruel
Une impasse où naît un rire fugace
Un jardin propice aux plaisirs badins
Une kermesse où pleure une princesse
Une lettre ornée de dessins champêtres
Une mansarde où la joie se lézarde
Une noctambule aux seins minuscules
Un orage avant-coureur d'un naufrage
Une porte ouverte aux voluptés mortes
Un quiproquo résolu illico
Un remords éteint dans un alcool fort
Un solitaire à la tristesse amère
Un téléviseur drapé de froideur
Un ukulélé au manche fêlé
Une voiture avide d'aventure
Un wagon-lit abîmé dans l'oubli
Un xérès habile à chasser le stress
Une yole au cœur d'une course folle
Un zéphyr en chemin vers l'avenir.
Patricia- Guenot