LA POESIA DI PATRICIA GUÉNOT XVIII/2007
Pensées d'une rose
Reine de vos jardins, de teinte rouge ou blanche,
Au gré des émotions, je change de couleur.
Des perles de rosée exaltent ma splendeur.
Ma robe de velours embellit vos dimanches.
Rose dans un bouquet, mes effluves s'épanchent
En essence de joie qui éloigne les pleurs.
Mes pétales soyeux, mon habit de douceur,
Raccommodent les cœurs, l'amour prend sa revanche.
Vous me donnez la mort pour un tendre motif.
Qu'importe si demain j'offre à un vent furtif
Les restes de mon corps dépouillé de sa sève.
Victime sacrifiée, troublée par votre émoi,
J'assiste à vos ébats dès que le jour s'achève.
Pourvu que dans le ciel Dieu prenne soin de moi.
Passé amer
Je viens d'un vieux village où la lune prolonge
Le silence glacé du paysage empreint
D'une mélancolie où les rayons chagrins
D'un soleil moribond, sinistrement, s'épongent.
J'enterre dans mon cœur la ruelle qui longe
L'église poussiéreuse à la cloche d'airain,
Refuge improvisé de muets pèlerins
Dont la fatigue éteint les doutes qui les rongent.
Prise dans les filets de mon passé, je crains
Que mes regrets ne noient mes rires souverains
Dans l'océan amer de mes scabreux mensonges.
Quand l'aurore blanchit mon horizon restreint,
Brusquement délivrée de ma peine, je plonge
Dans l'antre du futur, où s'étouffent mes songes.
Vagabond
La carcasse épuisée de cuisantes douleurs
Qu’attisent les regards dont la dureté scelle
Son sinistre déclin dans la ville cruelle,
Le vagabond gémit sur le temps fossoyeur.
Devant les citadins habillés de froideur,
Il agite une main dont la maigreur révèle
Sa muette avancée vers une issue mortelle
Dont le pressentiment lui déchire le cœur.
Il promène sa faim dans le fond des ruelles,
Où les déchets pourris de poisseuses poubelles
Composent ses repas aux relents de malheur.
Voûté par le chagrin, il traîne ses semelles
Au hasard des trottoirs bondés de promeneurs
Dont les piques ponctuent ses mouvements trembleurs.
Ange de la folie
Fébrilement cachée dans la foule anonyme
D'où monte un brouhaha aux accents étrangers,
Je me laisse emporter, au mépris du danger,
Par un flot de couleurs que le soleil anime.
Pour fuir le boniment d'une poupée sublime,
Zélée à m'envoûter de ses cils allongés,
Je m'échappe d'un bond avant de me plonger
Dans un bar ténébreux où ma douleur s'arrime.
Accoudé au comptoir, un membre du clergé
Me noie dans un torrent de sermons outragés
Par les rires narquois de prophètes du crime.
L'ange de la folie m'invite à voyager
Sur l'océan fougueux de mes vers dont les rimes
Effacent les échos de mes doutes intimes.
Sapho
L'âme de Sapho, la poète,
Guide le chant de volupté
De mon être que sa beauté
Conduit sur des grèves secrètes.
Sourde aux insolents qui lui prêtent
Un amant dont la cruauté
Assouvit leur virilité,
J'applaudis ses tendres conquêtes.
Grisée par ses mots indomptés,
J'aborde au rivage enchanté
De l'amour féminin en fête.
À l'encre de sa pureté,
Je forme des vers que je jette
Jusqu'aux confins de la planète.
Patricia Guénot