LA POESIA DI PATRICIA GUÉNOT – XII/2007
Amours mortes
Sur le chemin des amours mortes,
Je construis mon muet caveau.
Rebelle aux feux du jour nouveau,
J'attends que le chagrin m'emporte.
Abritée derrière ma porte,
J'éteins l'espoir dans mon cerveau.
Sur le chemin des amours mortes,
Je construis mon muet caveau.
Au seuil du néant, je m'exhorte
À jeter dans le caniveau
Mes souvenirs dont l'écheveau
Compose une perfide escorte
Sur le chemin des amours mortes.
Vénus des abribus
Vénus des abribus au vieux blue-jean cradingue,
Tu balades ton clebs en tordant tes talons,
Sous les yeux enflammés de jeunes apollons
Qui rêvent d'arracher tes impayables fringues.
Princesse du goudron, tu planques ton burlingue
Dans l'étroite prison d'un futal en nylon
Pour capter le regard de fringants étalons
Dont le torse musclé te donne une envie dingue.
Reine de la banlieue aux tifs poisseux de gel,
Tu défends ta tribu à grands coups de scalpel,
Grisée par ta fureur de zonarde amazone.
Déesse des cités, tu hantes les parkings
Avec de fiers voyous aux pognes polissonnes,
Adroits à titiller tes excitants piercings.
Rêve de cristal
Dans les volutes bleues d'un rêve de cristal,
Qui forme un océan au cotonneux rivage,
Je m'évade à l'abri du délicat visage
De ma vive sylphide au regard infernal.
Dans ma nuit solitaire, un arc-en-ciel mental
Déverse ses couleurs aux enivrants présages,
Assemblées en bouquet de soyeuses images
Qui dardent sur mon cœur leur parfum estival.
Un tourbillon de joie dans mon sang se propage
En vagues de chaleur, qui lavent les outrages
Que m'inflige ma belle au rire de métal.
Dans mon âme s'infiltre un ouragan sauvage
Dont le poignard glacé creuse un profond canal
Où se noie aussitôt mon chagrin viscéral.
Habile financier
Dans la banque cossue, l'habile financier
Reçoit aimablement les bourgeois de la ville,
Qui, prenant ses conseils pour des mots d'évangile,
Lui confient leur argent sans même sourciller.
Il accorde un crédit au riche bijoutier
Dont les diamants égaient sa maîtresse futile,
Tandis qu'il éconduit d'un hochement hostile
Le chômeur endetté, interdit de chéquier.
Il oppose à l'espoir des pauvres qui défilent
Dans son bureau glacé un silence d'argile
Barbelé des secrets de ses sombres dossiers.
Il regagne le soir son douillet domicile
Où le whisky royal lui permet de noyer
Le remords menaçant son âme d'usurier.
Patricia Guénot