LA POESIA DI PATRICIA GUÉNOT (XIX/
Rocher solitaire
Solidement planté en bordure de mer,
Solitaire rocher, je fleuris le rivage
De mon muet profil, impassible visage
Observant le décor du printemps à l'hiver.
Insensible aux poignards des effrayants éclairs
Que lance sur mon sein un violent ciel d'orage,
J'oppose à la fureur des éléments sauvages
Ma stature immobile à l'expression de fer.
De mon sommet hardi, je pique les nuages
Afin de les chasser loin de ce paysage,
Avant qu'ils ne me noient sous leurs sanglots amers.
J'abrite les ébats des amants de passage,
Dont je garde en mon cœur le parfum de la chair
Pour conjurer l'ennui de l'horizon désert.
Ombres de l'insomnie
Entre chien et loup,
Le cœur amer
S'écorche aux volets clos.
Sous le drap glacé,
Le corps se raidit
Dans la douleur de l'absence.
Les ombres de l'insomnie
Flottent dans le miroir
De la nuit impassible.
Dans l'esprit indécis,
Des mots insolites
Tracent un chemin de peine.
L'empreinte d'un sourire
Glisse dans l'amnésie
De l'aurore blême.
Le temps se dilapide
En sable d'ennui
Sur l'âme suffoquée.
Partie d'échecs
Tandis que ses sujets défendent sa couleur
Sur l'immense échiquier où des pièges se trament,
La reine, que l'enjeu de la bataille enflamme,
S'élance à pas géants vers un fou querelleur.
L'impudent terrassé en deux coups ravageurs,
La guerrière déjoue le stratagème infâme
D'un cavalier sournois qui, sous ses yeux, entame
Un galop effréné aux virages trompeurs.
Les pions noirs, pressentant l'imminence d'un drame,
Se ruent en rangs serrés vers le roi que sa dame
Exhorte à repousser l'assaut de l'oppresseur.
Quand l'albe souverain superbement proclame
Le mat de son rival pétrifié de frayeur,
Les survivants s'enfuient vers l'étui protecteur.
Jeu d'échecs
Pour jouer aux échecs, prenez un partenaire
Bête à manger du foin. Donnez à l'indolent
Un verre de vin rouge et choisissez les blancs.
Avec ces ingrédients, vous gagnerez la guerre.
Éloignez votre roi des griffes lapidaires
De la reine ennemie puis attaquez les flancs
Des noirs paralysés par vos coups excellents.
Décimez sans pitié les rangs de l'adversaire.
Afin de dominer fermement l'échiquier,
Piquez au camp rival les pions, les cavaliers,
Les fous, les tours, la reine, et sonnez la victoire.
Concluez en matant le roi inoffensif
Dont la chute cinglante étendra votre gloire
Aux dépens du crétin à l'œil admiratif
Patricia Guénot