LA POESIA DI PATRICIA GUÉNOT XIV/2007
Rêve de cristal
Dans les volutes bleues d'un rêve de cristal,
Qui forme un océan au cotonneux rivage,
Je m'évade à l'abri du délicat visage
De ma vive sylphide au regard infernal.
Dans ma nuit solitaire, un arc-en-ciel mental
Déverse ses couleurs aux enivrants présages,
Assemblées en bouquet de soyeuses images
Qui dardent sur mon cœur leur parfum estival.
Un tourbillon de joie dans mon sang se propage
En vagues de chaleur, qui lavent les outrages
Que m'inflige ma belle au rire de métal.
Dans mon âme s'infiltre un ouragan sauvage
Dont le poignard glacé creuse un profond canal
Où se noie aussitôt mon chagrin viscéral.
Exquise paresse
Que m’importe l’éclat des palais où s’empressent
Des flots de courtisans aux bras chargés de fleurs
Qu’ils posent sur l’autel des futiles splendeurs,
Avant de regagner leur monde de tristesse !
Que m’importe les traits d’ironie, que m’adressent
Les anciens compagnons de mes tendres bonheurs,
Empêtrés dans les rets d’une course aux honneurs
Barbelée d’un fatras de cupides bassesses !
Que m’importe les cris des oiseaux de malheur,
Prophètes belliqueux du néant fossoyeur,
Avide d’engloutir les frivoles richesses !
Sourde à la frénésie des hommes querelleurs,
Je m’abandonne aux joies d’une exquise paresse
Que mon amie ponctue de soyeuses caresses.
Poésie urbaine
Dans les supermarchés où les caddies s’animent
En un ballet urbain de clients envoûtés
Par les démons sournois de la publicité,
Orfèvres de slogans aux promesses sublimes ;
Dans le métro bondé d’une foule anonyme
Qu’un accordéoniste invite à écouter
Sa chanson qui dévide en accords veloutés
L’écheveau flamboyant de ses désirs intimes ;
Dans le journal du soir où l’inhumanité
S’entremêle aux récits de sauveteurs dotés
D’un courage fiévreux où le respect s’arrime ;
La poésie fleurit les murs de la cité
Bardés de graffitis dont la violence exprime
Le mépris pour un monde où le verbe s’abîme.
Fée magnifique
Prise dans les filets de ma dame de pique,
Ma reine farfelue, je dispute au poker
Mon fragile bonheur que le poignard pervers
Du mensonge déchire en éclats ironiques.
Sous son masque effilé d'oiseau anorexique,
Abandonné au cœur d'un éternel hiver,
Se cache une guerrière au courage de fer,
Dardant ses traits subtils jusqu'à ce que j'abdique.
Son regard constellé de reflets outremer
Immerge l'écheveau de mes soupçons diserts
Dans le flot bouillonnant de sa tendresse unique.
Son sourire abolit mes souvenirs amers,
Si bien que, dans les bras de ma fée magnifique,
Je savoure la joie qu'elle me communique.
Musiciens du soleil
Musiciens du soleil, venez exécuter
Vos chansons endiablées dans les rues de la ville,
Pour que votre gaieté chasse l’hiver hostile
Qui s’acharne à hanter les esprits attristés.
Baladins étrangers, semez dans la cité
Des bouquets flamboyants de poèmes habiles
À conjurer l’ennui dont les rets se profilent
Sous l’horizon vêtu d’une âpre obscurité.
Poètes, déclamez de vos voix volubiles
Des vers prompts à fleurir de joie les domiciles
Qu’assombrit un lacis de rêves avortés.
Magiciens, constellez de radieux volatiles
Le firmament désert, afin de déliter
Les échos ténébreux de l’inhumanité.
Joies singulières
Elle est le rossignol en habit de lumière,
Dont l'exquise chanson imprégnée de gaieté
Enflamme prestement la grisâtre cité
Où s'écoule ma vie aux peines coutumières.
Elle est l'aile du vent, qui chasse la poussière
De mon cœur envahi de désirs avortés
Pour tracer un chemin d'ardentes voluptés,
Où brillent les diamants de ses yeux incendiaires.
Elle est le frais bouquet du premier jour d'été,
Prophète du plaisir, zélé à m'envoûter
Afin que je renonce à ma pudeur altière.
Elle est le papillon du jardin enchanté,
Qui vient danser le soir au bord de mes paupières
Un ballet liminaire à nos joies singulières.
Radieuses ruelles
Rendez-nous les pavés des radieuses ruelles
De l’époque bénie où la soupe aux poireaux
Diluait la vinasse avalée au bistrot
Sous l’œil encourageant de lascives gazelles.
Baladins, revenez chanter sous les tonnelles
Tendrement éclairées par les rais vespéraux
Du soleil égayant les nappes à carreaux
Étendues sur l’autel des douceurs éternelles.
Arlequins, endossez vos habits de pierrot
Pour aller fredonner aux gracieux tourtereaux
Les notes enjouées d’anciennes ritournelles.
Musiciens, entonnez d’éclatants boléros,
Afin que leurs accords, sculptés au violoncelle,
Dessinent le chemin de la gaieté nouvelle.
Patricia Guénot