LA POESIA DI PATRICIA GUÉNOT (V/
Téléphone portable
Tristement enfermé du matin jusqu'au soir
Dans l'affreux sac à main d'une espèce de dingue
Qui me laisse tomber pour un fixe cradingue,
Aux cris assourdissants, vexé, je broie du noir.
Coincé entre un briquet et un crasseux mouchoir,
Dans mon étui glacé où l'ennui me déglingue,
J'attends l'heure bénie de quitter le burlingue
Pendant qu'elle s'active à son turbin rasoir.
En rentrant au bercail, baladé dans Paname,
Au milieu des klaxons, je sonne à fendre l'âme
Pour que la fille, émue, murmure à mon micro.
Dans la nuit silencieuse où les ombres frissonnent,
Posé sur le buffet, je chambre un vieux blaireau,
Un téléphone à fil prochainement aphone.
Jardin d'hiver
Dans la nuit ténébreuse, aux portes de l'enfer,
Les vieux désabusés promènent leur carcasse
Sous le dais protecteur des arbres qui enlacent
Leurs feuillages d'argent au bruissement amer.
Loin de la ville grise où le spectre pervers
De l'ambition déverse un torrent de menaces
Sur le cœur des humains que la faiblesse agace,
Le temps se ralentit dans le jardin d'hiver.
Les vieillards endurcis, sourds aux vaines souffrances,
Offrent leur avenir aux griffes du silence,
Sous l'œil indifférent des astres fugitifs.
Quand l'aile redoutée de la mort implacable
Emporte froidement un squelette chétif,
Ses pairs noient les débris de ses châteaux de sable.
Princesses du néant
Étrange créature, issue de ma mémoire,
Princesse du néant, tu danses sur le fil
Des ténèbres glacées un boléro subtil
Dont l'insondable joie chasse mes idées noires.
Fille de l'espérance, ange prémonitoire,
Tu quittes mon esprit au mépris du péril
Pour offrir à la nuit ton sibyllin profil
De muette sylphide au visage d'ivoire.
Dans tes yeux cristallins scintillent les lueurs
De diamants insolents, imprégnés du bonheur
Que ton corps élancé trame dans la pénombre.
Sur tes cheveux de jais, les rayons argentés
D'une lune attentive à velouter les ombres
Dessinent un faisceau d'ardentes voluptés.
Patricia Guénot